Je vous avais déjà décrit mes états d'âme lors de mon hospitalisation après mon accident de moto que j'appelle mon trou d'air et certains m'ont demandé des nouvelles ,trouvant mes articles "différents".On ne peut rayer de ses pensées un tel accident et l'on est marqué pour longtemps.Voici donc mon dernier article qui clôturera mon blog sur une note d'optimisme.Ce n'est pas une sortie théâtrale mais une explication.
Mon roman auquel je vais me consacrer dorénavant avance doucement et j'essaie d'y mettre un peu de moi.Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne le mal être que j'ai vécu,sans que personne ne s'en rende compte,après mon accident,lors de mon trou d'air qui a duré très longtemps.Ce n'était pas un simple membre cassé mais une hémorragie au sens éthymologique du terme.
On ne sort pas intact d'un corps blessé et martyrisé,de dix jours de réanimation où l'humiliation est générale,de deux mois d'hôpital et de longues semaines de béquilles où l'on sent son corps qui abandonne la partie face à l'adversité qu'est la vie de tous les jours.
Je ne me suis plus reconnu,moi qui avait toujours eu l'esprit du combattant,moi qui devait faire l'ascension du Mont Blanc deux jours après ce terrible accident et qui devait redescendre en parapente.Où étaient mes marathons,mes championnats de tennis ,mes Paris Roubaix,mes traversées de la France en tandem,ma traversée su Sénégal en VTT,ma traversée du désert en moto,mes championnats de golf,mes ascensions du Mont Blanc et de tous les autres sommets , mon esprit fonceur pour tous les projets associatifs etc..etc.. enfin mon esprit combatif,ma gaieté naturelle,mon esprit d'entreprise ? Mon corps était cassé et mon esprit aussi.Pour faire court : je ne sifflais plus ou en tout cas je sifflais moins !! ( certains comprendront , qu'ils habitent dans le Nord ou dans le Sud) J'ai vécu de longues nuits et de longues journées à cogiter sur mon avenir et sur la fin de ma vie.J'ai essayé de me remettre dans une certaine vie sociale sans succès.Un ressort était cassé.Seuls, quelques amis ont compris ,sans me le dire, quel était mon désarroi,les autres ont disparu.
Ce mal être , j'essaie de l'analyser , et j'essaie de comprendre tout ce qui a fait la vie de mon héroïne dans mon roman,son mal vivre permanent, ses sentiments et ses sensations qui l'ont tiré vers le bas.J'essaie dans ce roman de traduire la difficulté de renverser la vapeur pour revenir dans une société qui vous abandonne sans la condamner d'ailleurs.Mon héroïne s'est également retrouvée sans personne pour la soutenir ,sans une simple poignée pour s'accrocher et sa descente aux enfers fut irrésistible.Heureusement , ma force de caractère m'a permis de ne pas suivre sa trace et de surnager dans les méandres de la vie mais j'avoue que , comme mon héroïne , je me suis isolé pour penser et encore penser , pour espérer et m'accrocher .J'aurai sans doute du me confier mais à quoi bon;je savais que la solution passait par moi.Je dois avouer également que le travail de la Mairie m'a beaucoup aidé.
Certains seront surpris mais ils sont naïfs.Comment ne pas comprendre un homme qui n'a voué sa vie qu'à l'aventure sportive ou humaine et associative,dont la vie n'a été que relations fortes ,qui a toujours croqué la vie à pleines dents et qui se fracasse sur le mur de la vie ?
Se retrouver cassé de haut en bas avec des séquelles allant jusqu'à une diminution de la largeur et de la hauteur du thorax droit de 5 cm définitive ,un genou dont le scanner ressemble à une articulation d'un homme de 85 ans,alors que l'on avait encore des projets pleins la tête ,des migraines quotidiennes invalidantes dues à une déformation de la colonne vertébrale avec une vertèbre écrasée, c'est dur à encaisser et à digérer quand le mouvement est le maître mot.Bien sûr ce n'est pas comparable avec tous ceux qui sont atteints d'un cancer ou d'une maladie grave,car je reste malgré tout en bonne santé et je n'ai pas le droit de me plaindre;je revendique seulement le droit d'avoir été triste .Je ne me suis jamais plaint et j'ai toujours donné le change,je ne vous ai pas cassé les pieds avec mes états d'âme mais c'est l'heure maintenant de dire les choses.Et puis peut être que là dedans il y a un peu de refus de vieillir;en tout cas la peur de vieillir mal !
Pourquoi vous confier cela maintenant ? peut être par thérapie mais aussi pour dire collectivement à tous ceux qui ont remarqué que je n'étais pas au mieux que je tiens bon la barre parce que je vais assez bien maintenant depuis quelques semaines grâce à une heureuse rencontre médicale et que je vous dois une explication,vous qui m'accompagnez depuis maintenant plusieurs années,vous qui me donnez des nouvelles sur mon email régulièrement,vous qui avez senti mon blog évoluer dans le cri de l'injustice et de l'intolérance(sans doute moins rigolo et plus sérieux),vous avec qui j'ai eu des liens privilégiés.
Alors je comprend mon héroïne et je l'aime de tout mon coeur.Cela m'a aidé à voir la vie différemment dans cette éclairie qui pointe,à intellectualiser mes pensées,à augmenter ma tolérance,à aimer retrouver les sans abris que je soigne régulièrement à Toulon,à comprendre la société des gens qui souffrent,à me recentrer sur ma famille et mes petits enfants,à faire des efforts surhumains pour ne pas abandonner la partie sportive de ma vie (merci à mon kiné qui me torture deux fois par semaine!),à rester en contact avec tous ceux qui sans le dire m'ont compris et accompagnés dans cette galère,à aimer encore plus la vie , à me souvenir avec une larme à l'oeil de tous mes anciens patients et de tous mes amis du Nord qui me donnent des nouvelles très souvent et qui m'ont encouragés,à revivre pour quelques dizaines d'années avec un maître mot:
L'ESPOIR