Je pense que je n'ai vraiment commencer à penser à la mort que pendant mes études de médecine.A cette époque ,dans les années 65,66 ,on mourrait beaucoup à l'hôpital et je me souviens avoir été 6 mois en neuro chirurgie où les chambres étaient l'antichambre de la mort.Ce qui m'avait le plus frappé ,à cette époque ,était la mort des enfants.J'avais ce sentiment d'injustice et du rejet de la foi qui ne m'a pas quitté depuis.
J'ai,comme tous les étudiants en médecine,fait un peu d'hypochondrie et j'imaginai mes migraines se transformer en tumeurs cérébrales ,tumeurs que je côtoyais tous les jours.
Et puis il y a eu une période où la mort faisait partie du métier,des journées harassantes,et j'avoue n'avoir pas ressenti toute la tristesse des familles en dehors du décès des jeunes.Peut être était-ce pour me protéger.
J'ai commencé à appréhender l'absence , quand mon pèere est décédé ,ce qui m'a beaucoup marqué et cela durablement.Je me suis transformé en comprenant tout ce que représentait la perte d'un être cher.J'ai d'ailleurs à cette époque acheté ma place dans le cimetière de mon enfance près de mon père.
J'ai fait un travail pour comprendre ce qu'était vraiment la mort et que devenait-on.J'ai apporté"mes" réponses avec l'absence mais aussi le souvenir et sans doute avec la réincarnation dans mes enfants:cela s'appelle la génétique.Alors est venu le temps de l'incinération et des obsèques civiles mais amicales et fraternelles avec des chants et à boire et à manger pour tous.
Et puis il y a eu mon accident de moto, il y a maintenant un an où j'ai côtoyé les bas fonds de la réanimation et au cours duquel je suis passé tout près de l'échéance finale.L'état de mon casque en est témoin.
Et depuis j'envisage la mort avec sérénité,car je pense que je fais du "rabiot".Alors ma joie et mon sifflet sont revenus petit à petit malgré le handicap résiduel qui m'empêche de faire les grandes randonnées à pied que j'aimais tant dans le Luberon.
N'oublions pas que la mort se fait toujours dans la souffrance et elle intervient comme une délivrance et le passage du tunnel doit , à ce moment là ,être un soulagement.
Certains vont dire que je ne suis pas gai aujourd'hui et je leur répondrai en leur disant que tout être humain doit un jour réfléchir à sa disparition et que ce travail éloigne la peur et les fantasmes.Mais rassurez-vous je suis en pleine forme morale et je pense que ce ne peut être que dans cet état là que l'on a tout l'objectivité pour penser à la finalité de l'homme qui n'est né que pour mourrir.Quand on a accepté cela on est guéri de tous les fantasmes .
Je n'ai pas peur de mourrir.Je veux seulement ne pas être présent quand cela arrivera.
Woody Allen