Je l'ai rencontré à l'INSEP de Paris ,près du bois de Vincennes.Nous attendions tous les deux quelqu'un,dans la même pièce,et nous avions le nez dans un journal.Quand je l'ai reconnu,j'ai frissonné et mon coeur s'est accéléré.C'était en 2002 et il avait déjà 81 ans.Je n'ai pu m'empêcher d'attaquer la conversation en disant : " vous êtes bien monsieur Mimoun ?" et là,j'ai déclenché une mécanique ,un débit de paroles sensées,avec cette petite voix et cet accent qui le caractérisaient:
"et oui je suis Mimoun,j'ai 81 ans et je cours tous les jours dix kilomètres"
Je lui ai alors dit que j'étais un modeste coureur de marathon et il m'a répondu du tac au tac qu'il n'existait pas de "modestes" coureurs de marathon car pour lui,il y avait les marathonniens et il y avaient les autres.
Je me suis pincé car j'étais en conversation avec le champion olympique de Melbourne de 1956 et la sympathie fut immédiate .Car Alain Mimoun est toujours resté très accessible et très ouvert:l'antithèse d'une star que sont devenus les sportifs d'aujourd'hui.Mes impressions sur le marathon étaient les mêmes que les siennes.Je l'ai écouté comme certains écoutent le Messie.
Sa victoire olympique était son premier marathon ; il a connu le mur du 30ième km avec une défaillance qu'il a réussi à gérer en s'insultant et en se traitant de "mauviette" comme il m'a dit;il avait 36 ans et venait de connaître la gloire.
Mimoun m'a dit qu'il avait 2 dieux : la course à pied ,bien sûr mais également le Général de Gaulle.
Je suis revenu chez moi ému par cette rencontre.Bien entendu sa mort m'a rappelé ce souvenir,le souvenir d'un être sensible,dont la finalité du sport n'était pas l'argent mais d'un grand serviteur de la France puisqu'il a été blessé en 1944 en Italie et sa jambe martyrisée n'a été sauvée que par la rencontre avec un chirurgien inspiré,le souvenir d'un homme qui discutait il y a 10 ans avec moi comme avec un copain et dont on sentait à 81 ans encore la passion du sport.
Bye bye Monsieur Mimoun.